Culture, Torque : L’atelier Vianel, le couteau comme héritage

Vianel. Un nom qui sonne comme un voyage… ou comme un héritage. Laurent s’amuse à en donner une explication philosophique : via, le chemin, et nel, vers la lumière. Mais derrière les mots, plus que l’esprit, il y a le cœur : les initiales de ses trois enfants, Vincent, Antoine et Elisa. Pour ce coutelier, tout est affaire de transmission. Fils d’un artisan métallier, Laurent a grandi entre le parfum du bois travaillé et la chaleur du métal forgé. Aujourd’hui installé à Saint-Gauzens, dans un ancien abri de jardin transformé en atelier avec l’aide de sa femme Nadia et de sa fille, Laurent façonne ses pièces enracinées dans le terroir et dans la mémoire.

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Du rythme effréné au geste retrouvé

Pendant 30 ans, Laurent a mené une carrière de chargé d’affaires dans le bâtiment second œuvre. Les chiffres, les déplacements, les objectifs… un quotidien cadencé par la performance et un rythme parfois « intenable ». Même s’il avait “gravi les échelons et menait une vie confortable”, Laurent confie avec humilité qu’il ne troquerait sa vie actuelle « pour rien au monde ».

Il y a quelques années, son cœur a tiré la sonnette d’alarme. Un infarctus a marqué un véritable coup d’arrêt dans sa trajectoire professionnelle. Un moment difficile, tant pour lui que pour sa famille, qui a soudain pris conscience qu’il n’était plus possible de continuer ainsi. Plein de bonnes intentions, Laurent tente de reprendre sa course, mais doit lever le pied sous les recommandations des médecins et de ses proches. Face à cette réalité, il se lance dans un bilan de compétences au terme duquel il ose formuler une idée qu’il croyait presque « saugrenue » pour quelqu’un qui, selon lui, « n’avait jamais fait grand-chose de ses dix doigts » : devenir coutelier.

Renouer avec ses racines

Laurent, aussi loin qu’il se souvienne, a toujours côtoyé les métaux : « Je tenais les outils à la forge avec mon père. Pour moi, c’était un dieu gaulois, Vulcain », sourit-il en évoquant ces souvenirs. Encouragé et soutenu par ses proches, il franchit le pas et entame une semaine d’initiation à Thiers, capitale européenne de la coutellerie. C’est le déclic : il se laisse happer par la préciosité des matériaux, la rigueur des gestes et les valeurs transmises par ses enseignants.

En 2021, il poursuit sa formation avec un programme sur mesure, approfondissant ses savoir-faire et faisant naître ses propres modèles. Façonner un couteau, c’est orchestrer une suite de gestes millimétrés : penser la pièce, la dessiner, ajuster les plaquettes au millimètre, sertir les rivets, polir jusqu’au reflet parfait. Des heures de minutie pour qu’au final lame et manche se fondent dans un accord irréprochable. Loin d’être un simple outil, le couteau est pour Laurent un « objet intime », porteur de transmission et de sagesse : « Mes grands-pères portaient leur couteau comme d’autres se parent d’une bague ou d’un pendentif », confie-t-il.

Entre terroir et technique

Aujourd’hui, Laurent puise son inspiration dans les couteaux historiques de la région, « souvent utilisés par nos anciens, pour manger comme pour travailler ». Il revisite notamment la forme emblématique de la feuille de sauge, asymétrique cette fois, pour donner toute son élégance à la lame. Buis, olivier, pistachier, genévrier… Laurent aime travailler toutes les essences, mais avoue avoir un faible pour « les bois régionaux à contraste », qui révèlent pleinement leurs rainures dans les manches façonnés. Dans son atelier, le couteau pliant reste la pièce phare, mais l’on trouve aussi des couteaux de table pour embellir les repas et des couteaux de cuisine aux lignes inspirées de la nature. Même les écrins qui protègent ses créations portent la marque du territoire : boîtes fabriquées à Réalmont, pochettes en cuir issues des ateliers de Graulhet et de Mazamet, notices imprimées à Lavaur. Une véritable chaîne locale, où chaque geste participe à l’âme de l’objet.

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